[X] Premiers pas

Sortant de sa chambre, Benjamin se demanda d'abord où il était. Il ne connaissait absolument pas l'endroit, qui était en outre désert. Il n'y avait pas de fenêtre en vue, à part celle de sa chambre qui donnait sur un petit parc.

- Y'a quelqu'un ?

C'était presque un murmure. N'obtenant pas de réponse, il se mit donc à arpenter les couloirs, cherchant une âme humaine, ou des indices concernant sa situation.
Mais il fut vite perdu, et commença à paniquer de ne voir personne.

- Y'a quelqu'un ? répéta-t'il, plus fort.

Toujours rien. Il retourna vers sa chambre, et essaya de chercher dans l'autre sens. Mais encore une fois, il ne se retrouvait pas dans ces couloirs ; il était certain de tourner d'ailleurs en rond.

Un bruit, un appel, des pas dans le couloir ? Euh ... Mais c'était une voix humaine non ? Roran se frotta les yeux, avant de passer une main dans ses cheveux pour essayer - désespérément et sans succès - de les applatir. / lance lance / Ca tête lui faisait un mal de chien, et cette voix venait de le réveiller ... C'est donc brumeux qu'il ouvrit la porte comme un automate, et qu'il tomba pile face à un jeune homme qui avait l'air ... totalement perdu. On supposera plus tard qu'il était trop nauséeux pour lui gueuler dessus : aprés tout il venait de le réveiller.

"- T'es qui toi, jamais vu ..."

Vu le temps que passait Roran dans le dojo, les personnes qu'il ne connaissait pas étaient plus nombreuses que celles qu'il connaissait, ce n'était donc pas étonnant.

Trop surpris d'abord par cette porte qui venait de s'ouvrir, Benjamin recula d'un pas, puis se ressaisissant un peu, il demanda simplement :

- Où suis-je ?

Puis, s'apercevant que ça ne répondait pas du tout à la question, il improvisa rapidement, usant du pseudonyme dont on l'avait tantôt affublé :

-Je suis Kokoro no Hakka, mais je n'ai pas la moindre idée d'où je suis... Et vous, vous êtes qui ?

Le tout avait été prononcé avec une voix trop tremblante pour que l'autre ne le remarque pas. Il espérait juste qu'il n'était pas tombé aux mains de la police, ou pire, de la mafia.

"- Kokoro ... Jamais entendu c'nom là ..."

Oula, ça se voyait qu'il était dans les vapes. Mais cela n'empêchait pas son cerveau d'avoir enregistré le fait que le p'tit jeune était vraiment perdu et qu'il n'avait même pas la moindre idée de l'endroit où il se trouvait. De toute évidence.

"- Je suis quelqu'un que tu viens de réveiller, et t'es sur que tu sais pas où t'es ..? "

C'était étrange, mais aprés tout s'il lui donnait une explication valable, il pourrait envisager l'éventualité de prolonger la conversation pour retourner dormir ensuite, évidemment.

Benjamin hésita à répondre, mais il finit par dire :

- Aucune idée. Tout ce que je sais, c'est qu'on m'a assommé et que je me suis réveillé ici.

Il ne souhaitait pas dire d'où il venait vraiment. Pas pour le moment. On ne dit pas qu'on vient de tuer son frère à n'importe qui. Mais il était trop mauvais à cacher des secrets, son visage même signalait qu'il occultait quelque chose.

- Et... c'est quoi, cet endroit, alors ?

Très maladroit, trop maladroit, se dit-il. Sa voix tremblait beaucoup trop. Il espérait juste que l'autre ne poserait pas trop de questions concernant ses origines.

"- Oh p*tain. "

Il ne compatissait absolument pas, il s'en foutait même, mais si Kokoro n'était pas du dojo et ignorait où il se trouvait ... C'était au choix un espion ou un gamin des rues ramassé il ne savait où, par il ne savait quelle bonne âme du dojo. Mais il fallait avouer que l'autre paraissait bien trop nerveux, hésitant et paumé pour avoir le profil d'un espion. Même si l'on n'était jamais trop prudent entre ces murs.

La seule chose que savait Roran c'était que ce serait trés drole de laisser de dém*rder ce gars là mais qu'il se ferait tuer pour l'avoir laissé s'il était un nouvel arrivant et danger potentiel. Il opta pour une solution intermédiaire.

"- Tu te rapelles de quelque chose avant de t'être fait ... trainer ici ?"

Il pensait avoir un ton rassurant, mais c'était là aussi sans succès.

Benjamin blémit considérablement. Il ne devait pas se confier. Il contourna un peu l'essentiel...

- Avant d'être assommé... Y'avait eu... oui, cette fille... Oui, je venais d'assister à un double meurtre, j'ai failli être tué comme témoin moi-même, et puis plus rien...

Il se tut alors, considérant que l'autre n'avait pas vraiment besoin d'en savoir plus. Il commençait à être désagréable, à son goût. Il se demandait s'il n'allait pas s'enfuir en courant, et essayer de trouver la sortie. Mais il décida de rester, au moins jusqu'à en savoir plus.

Et là le déclic se fit. Roran pensait avoir pu établir ce qu'avait vécu le jeune homme. Un ou une ninja en mission l'avait aperçu et tenter de le tuer selon le vieil adage qui veut que les témoins se fassent automatiquement éliminer s'ils n'étaient pas du dojo. Par contre, pourquoi il ne l'avait pas tué, c'était encore autre chose.

"- Bien, dans c'cas suis moi, j'pense pouvoir répondre à quelques unes de tes interrogations. On est pas mal ici, les murs ont des oreilles et ce n'est pas le meilleur endroit pour une discussion surtout à cette heure-ci. "

La première chose déroutante c'est que Roran n'avait pas eu l'air choqué lorsqu'il avait entendu les mots de son vis à vis. La seconde était que son ton devenait plus clair, le sommeil l'avait pratiquement quitté, même si son mal de tête persistait. A trainer dans les bars tard, ça ne lui réussissait pas toujours ... Roran s'engaga immédiatement dans le couloir, aprés avoir négligeamment fermé sa porte de sa chambre à clef.

- Cette heure-ci ? Excusez-moi, je n'ai pas de montre...

Benjamin, resté planté sur place par le départ soudain de son interlocuteur, commença à le suivre, en courant presque pour le rattraper. Mais il était trop surpris par le changement de ton soudain de l'autre pour comprendre vraiment ce qui se passait - il avait lui-même l'esprit encore assez embrumé. Il réussit tout de même à poser, encore une fois, les questions qui lui brûlaient la langue :

- Mais où sommes-nous ? Où allons-nous ? Et qui êtes vous ?

"- Où sommes nous ? Dans un endroit où vivent et bossent pas mal de gens. D'ailleurs quelques uns s'entraînent à ce moment même, tandis que d'autres viennent de rentrer. "

Le ton était posé et clair, ils montaient un escalier.

"- Où allons nous ? Dans un endroit ou nous ne réveillerons, ni ne gênerons les gens ... Tu ne veux pas faire avec eux la même chose qu'avec moi, si ?"

Dit-il dans un demi-sourire trés légèrement moqueur et pas méchant, le couloir sur lequel ils étaient arrivés arriva à un embranchement, et Roran passa une porte.

"- Qui je suis ... "

Il laissa passer un temps, comme s'il réfléchissait, puis il plaqua le jeune homme au mur. La pièce n'avait aucune issue, si ce n'était une fenêtre condamnée que Roran avait repérée quelques jours aprés son retour au dojo.

"- ... Un ninja d'Ogata, l'endroit où tu te trouves précisément ... Et au point où tu en es, l'intru, soit tu restes ici et tu bosses jusqu'à ne plus savoir d'où tu viens ... Soit je te tue. "

- Je ne sais déjà plus d'où je viens. Je n'ai plus rien à perdre. Si vous me tuez, je n'y aurai absolument rien perdu. Si ce n'est ces lambeaux de vie brisée, et le peu d'esprit qu'il doit me rester.

Il n'avait pas peur. Son ton était assuré, calme. Dans ses yeux, une lueur s'était allumée, ces yeux qui avaient semblé morts quelques instants plus tôt. La situation se clarifiait, il préférait ça. Les réponses élusives de l'autre l'avaient troublé ; mais maintenant qu'il était plus clair, même si ce qu'il disait n'était pas rassurant, Benjamin se sentait plus à l'aise. Après une pause, il reprit.

- Je prends la première solution. Au moins j'aurai l'impression de servir à quelque chose.

Il ne voulait pas mourir. Cet instinct humain, ancestral, il l'avait encore. Il voulait vivre. Et il savait qu'il n'avais aucune chance si il prenait à l'autre l'envie de le trucider.

Roran éclata de rire, avant de desserrer sa prise sur celui dont il avait oublié le pseudo. Car l'on ne naissait pas avec un nom pareil, mais donner un nom de code était souvent assurer sa survie et effacer totalement une ancienne vie de sa mémoire. Et nombreux étaient ceux qui le faisait … Dont lui.

"- Ce ne m'étonne pas que tu te sois retrouvé ici, servir à quelque chose hein ? "

* Boarf, ils disent tous ça. *

Il laissa retomber l'autre à terre, avec un regard signifiant clairement qu'au moindre geste tendant à le flouer il était mort. Ceci étant fait, il n'attendit pas qu'il se soit relevé et il repartis en direction du bureau d'Ogata; ce n'était plus à lui de décider de la suite.

"- Tu te trouves donc au dojo d'Ogata, je me répète mais tu verras qu'il est primordial que tu n'oublies pas ce nom. Surtout à partir du moment où tu auras signé ton appartenance à ce lieu. "

Benjamin se releva rapidement et emboîta le pas au personnage qui lui apparaissait de plus en plus sympathique, malgré cette approche violente. La suite se déroula sans un mot. L'un allait d'un pas vivace, l'autre suivait tant bien que mal, essayant de repérer les lieux. Mais toujours, il se demandait où il était arrivé, et comment il y était arrivé. Il espérait simplement que sa prochaine escale lui apporterait des réponses ; il ne voulait plus poser de questions à l'irrascible. Arrivant devant une porte austère, désignant d'ores et déjà une pièce à caractère administratif, le personnage, dont Benjamin ne connaissait toujours pas le nom ni même le surnom, s'arrêta. Le novice demanda donc :

- C'est donc ici que nous nous quittons ?

Pas de mauvaise rencontre pendant le court temps qu'avait durée leur marche silencieuse, c'était ça de pris pour le nouveau. Mais Roran ne pensait à rien de plus, c'était pas un enfant de coeur, s'il lui avait montré le chemin c'était par obligation et parce qu'au prime abord il avait du le tester. Une personne perdue dans le dojo on en rencontrait pas tous les jours, et selon l'entretient qu'il aurait avec Ogata peut-être que cela ne se passerait pas aussi bien qu'avec lui ... Sait-on jamais.

- C'est donc ici que nous nous quittons ?

Aprés un signe de tête dans sa direction, et un : "- Ouai ..." des plus sobres, il laissa le jeune inconnu seul, partant de son pas habituel vers on ne sait quel recoin du dojo. Où peut-être se recoucher ?