{Clos} Douces formalités...

Kun’tou aimait l’hiver.

Il aimait les longues nuits froides, d’une beauté glacée. Il aimait le gel qui recouvrait les arbres, la douceur du bruit des gettas dans la neige, la rougeur qui emplissait les joues des jolies filles timides et, malgré lui, la douce image du sang ne faisant plus qu’un avec les flocons. Un jeune homme sans histoire aurait sourit devant tant de charme, mais il n’était pas un jeune homme sans histoire.

Et puis, il n’y avait pas de neige au dojo.

Alors, en ce beau début de journée, où personne n’avait quitté la nuit et où personne n’était vraiment entré dans le jour, il traînait son corps, droit comme un i tracé à la règle, les yeux sévères. Les journées de Kun’tou était bien remplis, même s’il est interdit d’en évoquer le contenu général. Toujours est-il qu’il commençait chacune de ses journées très tôt, ou très tard c’était selon. Il méditait et s’entraînait, le réveil de tout ninja qui se respecte, lui, son esprit et son corps. Après, il s’habillait de son long kuromontsuki où s’étalait le symbole le plus récurent d’Ogata. Un cadeau du Maître qui connaissait ses goûts pour les vêtements japonais malgré ses anciennes origines étrangères, qui dénotait par ses cheveux rouquins et son nez très droit. Ses yeux bridés le trahissaient aussi. Ensuite, tout habillé qu'il était, il sortait voir dehors s'il y avait de la neige. Sinon, il retournait à l'intérieur, ce qu'il était en train de faire.

Il arriva dans le couloir, la semelle de ses sandales frôlant le parquet laqué et il vit quelqu’un devant son bureau. D’un air sans âme, il regarda l’intru et croisa les bras. Il ne connaissait pas ce visage et Kun’tou, au dojo, les connaissait tous. Alors, il plissa longuement les yeux et un shuriken siffla près du visage de l’inconnu, se plantant dans un mur.

De là d'où l'arme venait, un homme au visage à demi-masqué, la main sur le fourreau d’un katana, l’autre sur la garde. Comme une vieille image du passé, un relans de film de samuraï.

« Identifiez-vous. » Dit-il, posément, de sa voix grave.

Il sortit complètement son arme, la pointe vers l’inconnu, la lame brillante exposée à un rayon de soleil matinal qui passait par une fenêtre plus loin.

Bon, c'était bien un inconnu, il ne ne devenait pas sénile. Soit c'était un espion, soit... Non, il n'y avait pas de raison à la présence d'un étranger non accompagné au dojo.

« Quiconque pénètre ici sans autorisation doit mourir. » Dit-il, d’un ton toujours aussi neutre, quoiqu’un peu froid.

Il avança d’un pas, puis d’un autre, le katana toujours brandit en direction du garçon. Kun’tou n’était pas du genre à se sentir menacé, sa puissance lui conférait presque l’invincibilité (même s’il n’était pas assez fou pour aller se battre contre le Maître) alors il avançait droit, les yeux fixes, les épaules larges et les mains puissantes plaquées contre la garde.

« Que votre esprit soit purifié, que votre âme s’envole, que les Dieux vous accordent le repos si vous devez mourir aujourd’hui. »

Et il avança encore d’un pas.

« Vous n’êtes plus rien, et je suis celui qui est tout. Le mensonge apporte la mort, la mort dans le mensonge n’apporte pas le repos. Alors je vous pose une question : Pourquoi êtes-vous ici ? »

Et la pointe de l’arme était à quelque centimètre du garçon maintenant.

« Le destin est près à tomber, répondre à celui qui le tient est conseillé. »

Kun’tou détacha sa main droite de la garde, la tendant vers le mur. Il eut un léger geste et la porte de son bureau s’ouvrit, sans que personne d’autre que lui n’ai bougé. Il pencha la tête vers la droite, plissant le tissus de son masque d’un côté de son cou, et tirant sur l’autre. Désignant la porte, il avança encore d’un pas, touchant l’inconnu de la pointe de son katana.

« Entrez-la dedans. »

Il le suivit à l’intérieur.

[Suite dans le Bureau de Kun’tou]