Projet personnel en attente

[HJ] Pour une meilleure compréhension, ce topic se situe temporellement dans les jours qui suivent ma mission[/HJ]


La décision était arrêtée. Des jours durant, après son passage à Kyoto, Benjamin s'était déchiré l'esprit, tâchant d'être honnête avec lui-même, tâchant de savoir ce qu'il voulait, de savoir ce qui le ferait avancer. C'était une fâcheuse rencontre dans le train à Kyoto qui l'avait réellement poussé à prendre cette décision. Rencontre dont il n'avait parlé à personne, et dont il n'avait rien laissé paraître... L'autre ne l'avait sûrement pas vu. Ou pas reconnu. Bien que ce fut improbable. Bref, "rien" ne s'était passé.
Pourtant ça l'avait torturé pendant des heures d'insomnie, et il ne pouvait pas oublier le visage de son grand-père, poussé par l'âge, bien qu'il ne se fut pas passé plus de quelques mois depuis qu'il avait fui sa famille. Enfin, toujours est-il que sa vie "antérieure" devait disparaître, et ses parents devaient mourir. Non, là, il n'était pas très honnête avec lui-même. Ce n'était pas tant que ça la disparition de ses parents qui l'intéressait... En fait, il ne voulait même pas se l'avouer, sa réelle motivation.
Parce qu'il connaissait trop bien ses parents. Beaucoup trop paresseux pour changer quoi que ce soit de leur train-train. Le code d'accès de l'immeuble n'aurait pas changé. Le code du coffre fort n'aurait pas changé. Le nom sur le testament n'aurait pas changé...
Il rit intérieurement. La légalité de l'héritage était là une notion... absurde. Il avait fui et renié ses parents, il n'existait plus aux yeux de la société, il s'apprêtait à tuer ses parents, et prétendait quand même à un héritage "légal" ?

Enfin, il frappa au bureau de Kun'tou. Il avait besoin de deux choses. La première semblait évidente, il s'agissait de l'autorisation de sortir du dojo et d'emprunter du matériel. La deuxième... Il n'était après tout que novice. Il aurait besoin d'aide.

Kun’tou était en train de faire ce qu’il haïssait le plus, de la paperasserie. Etalés sur son bureau, des formulaires de toutes les tailles et toutes les couleurs qu’il détestait avoir à compléter, trier, perforer et puis ranger. L’administration du dojo était plus complexe que ce qu’il semblait et, même si lui ne gérait que les élèves qu’il avait inscrit tout au long de sa carrière, il arrivait au formateur de vouloir deux choses d’Ogata, l’informatisation du système administratif et l’emploi d’une secrétaire ne serait-ce qu’en temps partiel pour qu’il ne passe plus certains de ses après-midi à ranger des papiers.

Quand il en venait à penser cela, il se mordait néanmoins la joue sous le coup de souvenirs acides. C’était lui, quand il était devenu le chien de garde du dojo, qui avait mis en place ce système de classification des informations sur les élèves. Il en était le créateur et du même coup, responsable de son épouvante ordinaire. Cependant, ce n’était pas ce fait là qui le gênait, qui le torturait encore, mais plutôt ce qui y avait conduit. Ce que lui, le très jeune Kun’tou, avait fait avant de devenir celui qu’y s’assurerait que cela n’arriverait plus.

Il passait lentement la main sur la partie de son visage brûlée, baladant ses doigts sur la peau tirée, déchirée, cette cicatrice horriblement intacte et visible pour signifier sa faute. Oh, il pourrait poser un shiki ou se faire opérer par un chirurgien pour la faire disparaître complètement, mais alors il ne porterait plus la marque de sa honte. Parfois, il se demandait si Ogata comprenait pourquoi le Formateur gardait ce qui avait été un beau visage dans un état pareil. Il se demandait si le Maître savait véritablement combien la honte était profonde dans son cœur. Ogata l’avait dit « pardonné », mais non, il ne le serait jamais.

« La paix ne viendra pas dans ton âme Kun’tou, c’est toi qui l’a tué. » pensait-il quand il entendit les coups portés à la porte. Il soupira doucement, d’une lassitude qui ne ressemblait en rien au Formateur que le dojo entier connaissait, et remit sur son visage ce masque de glace, d’imperméabilité qui était le sien. En parlant de masque, il souleva aussi le demi-masque noir sur le bas de son visage, pour cacher le grotesque de ses lèvres brûlées.

« Entrez ! » Grogna-t-il avec une voix sans saveur et il leva aussi les yeux vers le nouvel arrivant, arrêtant d’écrire pour l’occasion.

Il le fixa d’un regard éteint et ne dit rien pendant un moment. Puis, il posa définitivement son stylo sur la table et d’un geste du bras, fit disparaître instantanément tous les papiers (écrit en langage codé) du bureau. Puis, de la main droite, il désigna le siège en face de lui..

« Myers-han, j’ose espérer que vous ne venez pas ici pour un désistement, il me serait regrettable de faire venir le nettoyage dans mon bureau quelques heures à peine après qu’il l’ai quitté. »

La naginata et le porte-katana qui gisaient dans la pièce parurent étrangement menaçant. Même si en théorie Kun’tou ne tuait pas un élève qui voulait partir, il était bon de faire un peu peur à ceux qui le dérangeait dans son (lassant) travail.

« Asseyez-vous, voyons… »

Placide, le Formateur fronça quand même les sourcils, interrogateur, avant de reprendre un air imperturbable. Ce n’est pas comme si c’était la première fois que Kun’tou recevait une demande de mission, il avait longtemps été démarcheur en ce sens qu’il présentait les nombreux services du dojo à ceux qui étaient susceptibles d’en avoir besoin.

« Vous voulez donc commander une mission ? Il va falloir être plus précis que ces quelques insinuations, cependant… »

D’une main, il soutenait son visage, presque avec lassitude, si ce n’était son regard dur, et il attendait que le ninja, ou plutôt l’apprenti ninja, en face de lui, commence à expliquer, dans les plus infimes détails s’il le fallait, la cible et le fondement de sa mission. Et même s’il n’était pas dans la politique du dojo de refuser les missions, il pourrait toujours venir au formateur l’idée de le faire.

Avant que l’autre ne parle, il reprit la parole :
« Vous devez savoir que le montant d’une mission sera ajouté à la dette que vous avez envers le dojo, d’autant plus si cette mission nécessite l’aide d’une tierce personne. Continuez, je vous en prie. »

C’était toujours mieux de prévenir, même s’il devait s’en douter.