[Initiation] Recherche d'ingrédient

Cela faisait quelques jours que Morgana caressait l'idée de s'exercer à la préparation d'un poison dont elle avait trouvé la recette dans un vieux livre de la bibliothèque du dojo.
A vrai dire, elle n'avait pas vraiment été sûre d'elle, car une bonne partie de la couverture du livre avait été effacée avec le temps, et le texte lui-même avait été complété plusieurs fois à la main car les caractères s'effaçaient avec le temps. De nombreuses mixtures étaient présentées dans le recueil, mais la plupart comportaient des ingrédients aux noms tordus comme les cheveux d'un dreadeux, et bien que Morgie ait d'excellentes bases en ce qui concerne les plantes et ingrédients qui enrichissaient les pompes funèbres et autres nécrophages, elle y avait perdu son latin, son japonais et son anglais au fur et à mesure qu'elle avançait dans sa lecture.
Assise au milieu de sa chambre à l'étage, elle avait fini par soupirer de lassitude avant de se lever pour faire l'état de ses stocks, dans l'un des meubles qu'elle avait aménagé à la manière d'un apothicaire pour faciliter ses préparations. Tenant d'une main le livre de la bibliothèque et de l'autre son livre de "comptes", elle chercha en vain les nombreux ingrédients qui y figuraient, pour finir par se rendre compte que depuis le début le fameux livre de la bibli n'était rien d'autre qu'un manuel de jeu de rôle datant de mathusalem. Elle aurait bien jeté le livre incriminé par la fenêtre dans un accès de fureur, mais retrouva bien vite son calme légendaire en se disant qu'elle ne perdrait pas l'occasion de faire remarquer cette énormité à celle qui s'occupait du stock. Quel dommage, l'un des poisons avait l'air si intéressants...
Mais puisqu'elle était devant son stock, autant qu'elle y jette un coup d'œil pour en faire l'état des lieux. Et un coup d'oeil lui suffit d'ailleurs pour se rendre compte que quelques ingrédients lui manquaient. Il était 20h, bien trop tard pour qu'elle aille en ville faire ses commissions, et savoir son arsenal incomplet l'agaçait et perturbait son petit monde.
Morgana regarda avec plus d'attention quels éléments lui manquaient, et constatant que le poison de Fugu en faisait partie, elle décida d'aller faire un petit tout en cuisine, ce qui n'était pas vraiment dans ses habitudes -elle s'arrangeait en général plutôt pour en acheter au marché noir ou pour subtiliser un poisson entier dans le stock d'un restaurant- mais elle avait bien besoin de se rassurer au moins de cette manière.
Fermant son meuble à clef, Morgana sortit de sa chambre pour se diriger vers les cuisines. A cette heure ci, le réfectoire venait tout juste de fermer ses portes et le cuisinier ne devait pas encore être sorti de son antre interdit. Arrivée devant la porte marbrée des mention "entrée interdite" "danger" "gloutons vous courrez un grave danger" et "cuisinier méchant", la jeune fille s'arrêta quelques secondes pour souffler avant de cogner trois coups brefs.


[Privé : Samuel]

A vrai dire, Morgana ayant bien entendu déjà eu vent de la réputation du cuisinier, elle s'attendait à une réaction pour le moins décalée, mais dire qu'elle s'attendait à ça aurait été un mensonge éhonté. Néanmoins, son visage, garda la même expression de froide sévérité durant tout le déroulement de la scène, tandis qu’intérieurement elle tentait de son mieux d’analyser la situation.

Elle venait de « faire rater un plat » au cuisinier. Bon. D’accord elle visualisait, bien qu’elle se demande comment diable en frappant à la porte de la manière qu’elle avait utilisé elle avait pu le surprendre à ce point. Elle n’était tout de même pas si brusque… Non ? Conclusion logique, le cuistot était dans un état de concentration forte, ou de tension, bref, elle était mal tombée. Evidemment, il fallait que ça lui arrive… Quelle idée elle avait eu aussi… Les obsessionnels, je vous jure…

Enfin, bref, elle avait mis le cuisinier dans une fureur bleue. Alors même qu’elle finissait toutes ses déductions intermédiaires, elle se faisait embarquer comme une poupée de chiffon à l’intérieur de l’antre interdit. Assez fine il était vrai elle était tout de même plutôt musclée pour son âge et sa carrure, et mis son corps en situation pour réagir au moindre geste, tout en épousant le mouvement que lui imprimait Samuel.
Elle se dressa néanmoins catégoriquement contre le tabouret pour ne pas s’asseoir dessus et de tenir debout, droite comme un chêne, les sens en alerte, les yeux toujours aussi vides d’expression, et attendit patiemment que l’employé du dojo se retourne vers elle, son imagination marchant à plein régime sur ce qu’il était en train de faire.

Morgana ne croyait pas vraiment les racontars qui accusaient Samuel d’avoir réellement tué des élèves qui s’étaient aventurés dans sa cuisine, mais elle s’attendait bien à des représailles qui s’annonçaient douloureuses pour l’affront d’avoir fait rater un plat.
Par contre, elle ne comptait pas se laisser faire. Bien que Samuel soit d’un niveau bien supérieur au sien, elle n’avait pas peur de l’affronter, considérant que les combats dans l’enceinte du dojo constituaient les meilleurs entraînements possibles, même si elle courrait à la défaite sur ce coup là. Elle espérait bien ne pas en arriver là –il était tard, elle avait passé la journée à s’entraîner comme à son habitude et avait plus la tête dans son armoire de poisons qu’à un combat- tout de même, et elle vit avec bonheur le dos de Samuel commencer à se retourner au bout d’un temps qui lui parut une éternité.

Elle eut à peine le temps de voir le plat que lui tendait le cuisinier qu’elle interceptait d’un geste vif les deux baguettes qu’il lui avait planté dans la bouche avant qu’elles ne lui touchent les incisives. Là, la pilule avait du mal à passer, sans qu’elle sache exactement pourquoi ce geste l’énervait plus que le reste de l’attitude que Samuel avait à son endroit.
Elle garda les baguettes dans la main pendant que le cuistot lui intimait de manger ce qui, bien que présenté artistiquement et paraissant appétissant, s’annonçait comme un plat encore plus difficile à avaler que la pilule de tout à l’heure, selon les dires de Samuel.
Morgana dut se retenir de planter les baguettes à la verticale dans les gyozas qui lui étaient présentés, dans un geste de pure provocation habituellement réservé aux offrandes aux morts, et saisit l’assiette pour les y poser d’un coup sec sur le rebord, avant de déposer ladite assiette sur l’un des plans de travail et de planter son regard glacé dans celui de Samuel.

-Veuillez me pardonner pour cette intrusion. Je n’avais pas idée que vous puissiez toujours être en train de travailler alors que le service était terminé, et encore moins que le simple fait de frapper à votre porte puisse vous faire sursauter au point de ruiner un plat, mais il s’avère que je comptais vous demander si vous aviez un ingrédient en stock dont j’aurais eu besoin.

Sa voix était à l’identique de ses yeux, froide et insensible, d’une articulation parfaite et calme.

-Quant à la dégustation de ce que vous appelez « horreur », soyez bien sur que je me serais exécutée si cela avait pu arranger quoi que ce soit à la situation et que je n’étais pas déjà repue.

Elle s’autorisa une légère ironie sur cette dernière phrase, se préparant de tous ses muscles et nerfs à des représailles qu’elle supposait certaines.

Bien, déjà la situation commençait à s'annoncer un peu moins loufoque qu'elle ne s'était présentée. Déjà le visage du cuisinier perdait son expression de folie furieuse et la discutions prenait un tour plus civilisé. Morgana se permit de se détendre légèrement.

Elle attendit néanmoins exactement cinq secondes après la tirade de Senji pour baisser brièvement la tête et les yeux en signe d'obéissance, tout en gardant un léger éclair de défi dans le fond des yeux, un des rares signes trahissant que bien qu'elle tente d'afficher une mentalité d'acier implacable, elle était encore une enfant.

Morgana n'était pas du genre à se rebeller contre l'autorité à tout bout de champ, elle respectait ses aînés et ses supérieurs, et il s'avérait que dans la situation présente son interlocuteur était les deux, elle lui devait donc obéissance et soumission dans le cadre du dojo. Mais elle ne put s'empêcher de penser avec toute sa mauvaise foi que le serment que prononçaient les élèves ne concernait que l'obéissance à un ordre et l'acceptation du meurtre. Bien entendu, il ne lui vint pas à l'esprit que le fait que Samuel lui ait intimé de manger était un ordre...

Morgie se saisit bien vite des mêmes baguettes qu'elle avait repoussé sèchement quelques instants auparavant et attrapa l'un des gyozas, qu'elle porta à sa bouche dans le même mouvement que Samuel et trancha en deux d'un coup de dents. Elle n'avait pas vraiment regardé l'état des raviolis avant de s'en saisir, et le hasard fit qu'elle avait malheureusement pour elle choisi l'un des plus carbonisés du lot (ce qui d'ailleurs n'était pas bien méchant).

Elle se retint de plisser les sourcils ou de grimacer en signe de dégoût. Ce n'était pas un massacre comme elle s'y attendait, mais il était vrai que ce goût de charbon gâchait l'ensemble que l'on pouvait encore sentir derrière la croûte noirâtre avec brio.
Elle avala d'une traite avant de reposer les baguettes avec plus de calme qu'elle n'en avait eu tantôt et se permit un léger sourire, ses yeux quand à eux ne bougeant toujours pas, comme à son habitude.

-Vous nous avez habitué à mieux chef.

Puis revint le climat normal, la perte du léger sourire de Morgana, les phrases minutieusement découpées de Samuel, et avec elles la demande de ce qu'elle était venue rechercher.

-Loin de moi l'idée de venir chercher ici de quoi grignoter Chef, à moins que je n'ai des tendances suicidaires cachées car c'est de Fugu dont j'aurais besoin pour garder complet mon arsenal, si bien entendu vous gardez de ce poisson ici.

Un petit "vous nous avez habitué à mieux" passant par là manquât de renflammer les poudres, si elle avait parlé ainsi avant de baisser les yeux le cuisinier l'aurait sûrement relevé. Mais, dans le cas présent, il pouvait bien le lui permettre, c'était la vérité, ironie ou non.
Bien vite vint l'objet de la présence d'Aiden dans cette cuisine... Du Fugu... C'est sur que si elle demande un tel poisson, ce n'est pas pour s'en faire une cure... A part, bien sur, que l'absorption d'un neurotoxique fasse parti de ses choses à faire dans le dojo... Enfin, dans tous les cas il était hors de question de lui donner le poisson entier, vue son prix, mais si elle ne voulait que le poison, elle se débrouillerait seule pour l'extraire.

"Du Tkifugu... Hors de question que tu aies ce poisson."

Simple, clair et concis, que demander de mieux... A part un oui, peut-être.
Approchant une main de la jeune femme sans pour autant la quitter des yeux, Senji laissa dériver sa main vers l'assiette assez rapidement, avant de s'en saisir et de se retourner pour jeter ce qu'elle contenait. Un cuisinier peu bien faire la plonge, quand il n'a personne à qui ordonner de le faire...
Tendis qu'il nettoyait ce qui avait contenu les petits morceaux de charbon farcis, il jetait un regard discret sur tout ce qui pouvait lui refléter l'image de la demoiselle à qui il tournait le dos, mais c'était bien plus un réflexe qu'une marque de crainte ou de non-confiance.
Une minute passa sans un mot, puis Samuel finit par se retourner, s'essuyant les mains sur le premier torchon trouvé, pour enfin changer un tant soit peu sa version, ou la préciser, tout du moins.

"... Mais les viscères et le foie contiennent la tetrodotoxine, avec quelques autres organes, je ne peux donc me permettre de les cuisiner."

Telle réponse ressemblait fortement à un oui, finalement, ce qui fut vérifié par les actions qui s'en suivirent. Samuel s'approcha d'un placard fermé à clef. Après l'avoir ouvert il en sortit une boite en bois qu'il déposa devant la jeune femme.

"Voilà ce qu'il reste d'un Takifugu cuisiné il y a peu. Cette boite concentre la totalité des organes contenant le poison était destinée à être brûlée, mais l'obtention reste tout de mème une tache assez longue."

Il était vrai, obtenir la neurotoxine pure était une tache quasi-impossible à réaliser sans équipement, celle-ci nécessitant nombre d'étapes avant d'être séparée des partis la contenant. Mais le poison pur n'était pas nécessaire à un meurtre, ça ne l'était qu'à son allure, cependant à quoi sert l'allure d'un poison lorsqu'il est utilisé...
Dans tous les cas cette toxine n'était pas réellement un élément indispensable, plusieurs heures étaient parfois obligatoires pour que l'action soit complète, le seul avantage était l'état de conscience totale dans lequel se trouvait la personne qui ingérait du Fugu, même lorsque le poison a quasiment tué celle-ci... Rien ne vaut la nature pour créer les meilleurs moyens de venir à bout d'une cible sans l'épargner de ses souffrances...

"Dois-je te recommander de faire attention à l'endroit où tu met ce que contient cette boite ?... Et brûle ce qui reste, une fois le poison récolté."

Soit dit en passant...

La jeune fille manqua de se mordre violement la lèvre en entendant le "certainement pas" clair et net. Bon, il semblait que ce ne serait pas ce soir qu'elle règlerait ses problèmes d'obsessionalité et qu'elle renflouerait son stock. Ce qui impliquait également qu'elle allait de nouveau devoir perdre un temps fou à s'infiltrer dans un grand restaurant cuisinant ce poisson (les laboratoires étant bien plus pointilleux au niveau de la sécurité, elle préfèrait de loin la simplicité toute relative des cuisines).
Ha, ça l'agaçait, mais en même temps c'était un refus compréhensible, et elle ne s'aventura pas jusqu'à contester la décision de Samuel, même en pensée.

Tandis que celui-ci se débarassait des déchets et nettoyait les plats, Morgana eut la même réaction que celle qu'elle avait observée chez lui : l'observation permanente de ses moindres faits et gestes, également plus par habitude que pour autre chose, mais contrairement à lui elle se méfiait tout de même un peu. Elle n'oubliait pas sa réputation de dangereux psychopathe envers les élèves, et la phrase relative à l'incorporation d'élèves dans les plats était restée.

Elle allait se préparer à partir, attendant pour celà que Samuel se retourne, mais quand il le fit ce fut pour lui répondre ce qui s'apparentait à un "finalement oui", tout en lui tendant la fameuse boîte et en lui faisant les recomandations d'usage, à propos desquelles Morgana dut se retenir de penser un peu trop fort un "sans blague" qui lui brûlait les lèvres.
Si elle avait besoin de ce poison pour compléter son attirail, c'était bien qu'elle l'avait déjà utilisé, pas en de maintes occasions puisqu'elle n'avait jamais eu à renouveler son stock que deux fois.

Elle connaissait toutes les propriétés de la toxine, de même qu'elle savait son extraction pure impossible à son niveau, mais elle connaissait tout de même assez la réputation du poisson pour savoir également que même mêlée à la chaire et à l'état impur, elle était largement assez puissante pour tuer un être humain quand elle était utilisée en dose adéquate.

Mais encore une fois, elle se tint coite sur ses réflexions impertinentes et se contenta de baisser la tête en signe de reconnaissance et de se saisir de la boîte (avant qu'il ne rechange d'avis...)

-Merci infiniement pour votre aide. Je suivrai vos recommandations.

"Quelque chose d'autre à me demander, Mademoiselle, ou suis-je sensé vous demander comment vont vos entraînements, ces temps-ci ?"

C'est dans ce genre de phrases concises mais au combien essentielles que l'on voit toute l'ampleur et le raffinement de la conversation que peut entraîner un homme tel que Samuel. Le problème, c'est que nombreux sont ceux utilisant ce style de paroles, dommage car l'homme a quelque mal à prononcer plus que ce qu'il doit lors de ces quelques réponses... Sauf sur certains sujets, ses passions et ses cours parviennent à le faire parler aussi sûrement que son passé et ses parents réussissent à le faire se renfermer.

Le folklore est parfois là pour effrayer, mais plus souvent pour émerveiller, malheureusement les rumeurs courrant sur l'avenir des avenirs entrant dans ces cuisines faisaient parti de la première sorte, et Samuel -consciemment ou non- faisait tout pour les alimenter. L'avantage, c'est qu'il était rarement déranger... Tant par les élèves que par leurs professeurs, d'ailleurs...
Pour s'occuper à la fois les mains et l'esprit -et après avoir renoncer à son repas du soir- le cuisinier s'approcha de son plan de travail et, après avoir prit de quoi l'aiguiser, il s'empara d'une lame d'une vingtaine de centimètres qu'il avait sorti de son "coffre fort" sans s'en être, encore, servit. Grâce à des gestes vifs sur la lame, la pression qu'exerçait l'espèce de couteau à aiguiser suffisait à créer un bruit peu supportable s'il fut trop longtemps perpétué ainsi que quelques petites étincelles mourrant au premier courrant d'air.

Et ceci dura bien une minute, Samuel était face à la jeune femme, silencieux -comme toujours- et s'occupait à préparer son arme pour une utilisation ultérieure... Mais peut-être pas si éloignée dans le temps que l'on pourrait l'imaginer. Après cet acte pouvant en effrayer quelques uns qui ne connaitraient pas assez bien le professeur, celui-ci décida de se faire un peu de publicité, il avait envie de voir les nouvelles recrues du Dojo, et de savoir lesquelles seraient capables de passer les testes décidant ou non de leur intégration dans les "protégés du maître du Kiai"... Et cela sorti tout naturellement.

"Je dis cela car les nouveaux ne semblent pas savoir que le cuisinier est un Sensei, de plus je ne vous ai pas vue vous-même depuis quelques temps désireuse d'apprendre plus... Dommage, très dommage, car cela me retire du travail."
Plutôt que de reposer normalement le couteau sur le plan où il l'avait prit, Samuel, écartant par sa main droite un pan de son blouson, rangea le couteau dans une sorte de poche en cuire noir installée, aux cotés de quelques autres pas toutes destinées à de tels couteaux, sur un équipement de mission "standard" plutôt très près du corps par rapport à ce que l'on s'attendrait d'un homme comme lui -contrastant d'ailleurs avec l'ampleur qu'a le blouson lorsqu'un peu de vent le fait voler.
Il referma bien vite ledit blouson, cachant par la même occasion toute trace d'un quelconque habit pouvant le rapprocher du style qu'arborait si bien Kun'tou ou quelques autres des enseignants et des hauts niveaux du dojo. La différence est si belle quand elle n'est pas source de reproches... Et elle l'est d'autant plus quand c'est le cas, bien évidement...

Ce qui était bien, avec la petite personne qui se dressait devant Samuel, c’est que bien qu’elle ne paye pas de mine, elle avait –d’après la plupart de ses professeurs et outre sa froideur extrême- une capacité hors du commun pour tout ce qui concerne les arts du ninja, depuis le combat jusqu’à la magie, rien ne lui semblait interdit… Mais les personnes trop puissantes sont souvent les premières à tomber… Alors autant lui apprendre tout ce que l’on pouvait faire tenir dans sa tète avant que sa chute ne se présage, du moins si elle le permet.

-Ho, et bien je suppose que c'est à vous de décider si vous souhaitez continuer cette discutions ou pas...

Morgana cilla et se permit même de détendre les restes de muscles contractés qui restaient aux points clefs. Elle se sentait un peu plus en confiance maintenant qu'elle avait en main ce qui lui était nécessaire et que Samuel avait abandonné toute forme d'attitude menaçante pour adopter une conversation plus civilisée, qui convenait d'ailleurs parfaitement à Morgana, que rien ne réjouissait plus qu'un échange sérieux sur les arts du dojo. Ou du moins selon ceux qui la côtoyaient au dojo, les rares personnes l'ayant connu dans un autre contexte sachant encore que contrairement aux apparences dont elle jouait volontiers, elle avait d'autres centres d'intérêts, à milles lieux des bains de sang et des entraînements. Mais tout cela n'avait que peu d'importance quand elle était au dojo, et même si elle préférait de loin la douceur d'une déambulation dans une ville, appareil photo à la main aux missions d'infiltration de groupe, elle avait depuis son serment à Ogata relégué toutes ces vaines distractions dans un placard de son esprit, se consacrant corps et âme à son apprentissage.

Entendant ce qui ressemblait presque à un reproche insoutenable dans ses oreilles, Morgana dut retenir un rosissement tandis que ses yeux s'écarquillaient légèrement et qu'elle-même s'inclinait profondément comme pour se faire pardonner un péché mortel, comportement contrastant fortement avec la fermeté de son maintient et de sa voix, égales à elles-mêmes.

-Pardonnez ma légèreté. Il est vrai que j'ai été bien trop insouciante avec mon entraînement de Kiai ces derniers temps, mais je travaillerai dur pour rattraper mon retard.

De nouveau Morgana devait faire preuve d'un sang-froid exceptionnel pour ne pas laisser le rouge lui monter au joues comme sous l'effet d'une paire de gifles qu'elle avait moralement l'impression d'avoir reçue. Evidemment que le travail n'était pas suffisant ! Quelle imbécile elle pouvait bien être pour avoir osé profaner une ânerie pareille !
Sa tête lui faisait presque mal. C'était étrange comme parfois ces sentiments qu'elle s'évertuait à cacher venaient douloureusement lui rappeler leur présence en ces moments de honte où il lui semblait être une élève bien médiocre, malgré toute l'énergie qu'elle mettait à l'entraînement et tout les encouragements qu'elle recevait de la part des senseïs.

Elle s'inclina de nouveau, brièvement, pour remercier Samuel de son compliment

-Je vous remercie pour ces compliments que je sais rares. Mais je ne sais s'ils sont mérités, mes capacités me paraissent bien vaines. Je ferrai tout ce qui est possible pour regagner vos entraînements.

Et voilà, non seulement d'être obsessionnelle, voilà une autre des tares de la Morgana sauvage : le manque de confiance en elle. Cela ne handicapait pas dans ses entraînements ni ses missions, car elle avait confiance en ses acquis et en son corps, mais avait toujours cette sale manie d'en nier la proportion. Pour elle, tant qu'elle n'atteignait pas le niveau de master, elle ne vaudrait rien. Mettez ça sur son manque de confiance ou sur sa soif d'apprendre, elle aussi réelle et brûlante, le résultat reste le même.

Elle acquiesça vivement de la tête après la dernière phrase de Samuel

-Comptez sur moi pour ne jamais l'oublier.

Au moment même où Samuel avait aboyé sa première phrase, Morgana avait senti son corps ne plus répondre à ses ordres. Un froid mordant l'envahit progressivement, au fur et à mesure que les mots de Senji devenaient dans ses yeux et sa tête des coups de marteaux ou des balles d'armes à feux, la frappant à pleine puissance au coeur même de cette prison de glace qu'elle aurait tant voulu construire autour de son coeur pour ne plus jamais avoir à faire à la fois avec cet extérieur qu'elle haïssait tant et avec ses propres sentiments qu'elle aurait voulu effacer à jamais.

Le bourdonnement douloureux dans sa tête éclata alors comme une bulle de savon, l'air lui-même lui semblait irrespirable, ou peut-être était-ce le fait de respirer qui lui devenait si dur ? Sa cage thoracique se soulevait difficilement, elle aussi engourdie par le froid glacial qui continuait à se déverser dans toutes les veines et tout les muscles de son petit corps épuisé par une journée d'entraînement qui en suivait une autre, qui en suivait une autre, qui elle-même en suivait une encore plus dure car elle avait voulu se punir de la légèreté dont elle avait fait preuve pendant la précédente où elle s'était accordée une heure de répit à seulement lire dans la bibliothèque.

Dans la tête de Morgana s'enchaînaient des phrases sans suite logique, cris et murmures accompagnant les phrases de Samuel, ressassant ses plus sombres pensée et ses angoisses les plus profondes, celles de ne jamais pouvoir atteindre le niveau qu'elle souhaitait, de ne jamais pouvoir être autre chose qu'une enfant dans ce milieu où elle avait l'impression qu'on ne la regardait jamais que du haut d'un dédain profond envers elle et ses efforts si ridicules à ses yeux.

Son corps lui sembla alors peser plus lourd que tout ce qu'elle avait jamais pu porter, irrésistiblement attiré vers le sol comme la pomme de Newton si celle-ci avait été faite de béton armé. A la fin de la tirade de son interlocuteur, il lui semblait que le froid avait chassé tout le sang de son corps et qu'elle n'était plus rien qu'une masse glaciale compressée au sol.

Mais elle résistait toujours. Si son aura à elle seule trahissait même pour la personne la moins expérimentée l'état chaotique de son intérieur, son corps, lui, restait droit, trop droit même, les cris de douleur des muscles tendus à l'extrême -bien plus que quand elle était consciente et qu'elle se préparait à réagir- étant anesthésiés par ce même froid qui, bien qu'imaginaire, l'avait maintenant envahie entièrement. Ses yeux étaient à la fois écarquillés et baissés et elle tentait maladroitement de les empêcher de rouler désespérément à la recherche d'une improbable issue.

Ses ongles fraîchement coupés pour ne pas la gêner dans le maniement de la naginata n'étaient pas assez courts pour éviter de s'enfoncer aussi loin que possible dans les paumes de ses mains, dissimulées dans les amples manches de sa tunique habituelle où avait également disparu la boîte contenant les entrailles du poisson qui avait fait l'objet de sa visite.
Ce fut d'une voix mécanique mais néanmoins pleine du dernier champ de bataille entre la fournaise de sa détermination et le glacier dans lequel l'attaque de Samuel l'avait plongée s'échappant de mâchoires aux mouvements horriblement rigides qu'elle répondit.

-Je vous retrouverai.

Elle refusa de rajouter quoi que ce soit à cette sentence qui lui semblait horriblement orgueilleuse et cilla, évitant soigneusement de regarder les yeux du professeur, de peur d'y voir l'immense déception qu'elle attendait après une telle réaction insupportablement inutile de sentiments et d'amour propre à revendre.
Sans qu'elle s'en rende compte, son corps commenca à devenir fébrile, ses muscles déjà fatigués n'arrivant plus à garder cette tension à laquelle ils n'étaient pas habitués et dans laquelle Morgana s'était retranchée pour ne pas craquer, ce qui risquait d'arriver d'ici peu.

-Oui...

Morgana avait articulé de la même voix mécanique et tremblante cette réponse, et leva les yeux vers la pomme que le cuisinier lui tendait. Sa tête bourdonnait et elle ne sentit même pas son bras droit commencer à se tendre pour la saisir, de même qu'elle ne sentit pas les oscillations de son bras gauche prendre de l'ampleur et tâtonner le rebord du plan de travail auquel elle tournait le dos.
Alors qu'elle arrivait enfin à toucher le fruit, la jeune fille entendit comme une détonation dans sa tête, entre le claquement d'un fouet manié de main de maître et un coup de feu. Un rideau noir tomba sur ses yeux alors qu'elle même se sentait sombrer comme si elle était en train de couler au plus profond d'une crevasse sous-marine. Le temps lui paraissait long, mais quand elle finit par rouvrir les yeux en panique, il ne s'était pas écoulé plus de 2 secondes depuis sa chute -réelle-, à quelques centimètres du sol, son corps étant encore en pilote automatique.
Ce qui ne dura pas d'ailleurs. Elle avait à peine eu le temps de se rendre compte de ce qui s'était passé qu'elle s'écroulait comme une poupée de chiffon. Exit le pilotage, la surcharge avait été trop importante. La pomme qu'elle avait serré dans sa main pendant la chute s'échappa de sa paume pour rouler aux pieds de Samuel, miraculeusement indemne.
Morgana n'osait plus bouger, ni parler. Elle ferma les yeux, priant pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve. Elle était vraiment pitoyable...


HJ: Etant donné que ton niveau n'est plus à prouver et que je met beaucoup trop de temps à te répondre, je considère que tu es déjà initié, tu peux donc participer à un autre topic si tu veux ^^ Par contre, on finit ce topic là !